Le plateau de Salanfe

Un alpage aux mille façettes

“Qu’on se figure, au milieu d’un cirque d’imposantes montagnes qui dominent de cinq mille pieds, une vaste et splendide arène, unie comme l’onde d’un lac dans les plus beaux jours, couverte de la plus tendre verdure et des plantes alpines les plus délicates, arrosée des plus séduisants ruisseaux, et l’on saura ce que c’est que Salanfe, ou plutôt l’on ne saura rien, car personne ne peut imaginer un pareil site, si ce n’est Celui qui, l’ayant imaginé, en réalisa les beautés. […] C’est vraiment une des plus belles solitudes des Alpes”.
Emile Javelle dans « Souvenirs d’un alpiniste », 1886.

Son origine

Le site de Salanfe est un cirque glaciaire d’une surface totale de 21 km² situé à une altitude moyenne de 1896 mètres. Son bassin versant de 18,4 km² fut creusé par l’imposant glacier de la Tour Sallière durant la période du Würm (120 000 à 12 000 ans avant notre ère). Après le retrait de la glace, le fond fut occupé par un lac puis peu à peu comblé par les grandes quantités d’alluvions arrachées aux parois. Le plateau est ouvert sur plus de trois kilomètres à l’est en direction de la plaine du Rhône et est bordé par les Dents-du-Midi au nord (3257 m.), par la Tour Sallière à l’ouest (3220 m.) et par le Luisin au sud (2786 m.). Quatre cols permettent d’y accéder : le col d’Emaney (2462 m.), le col de la Golette (2469 m.), le col de Susanfe (2494 m.) et le col du Jorat (2212 m.). L’accès principal se fait par le vallon de Van et ses villages éponymes.

La première mention connue de Salanfe date de 1306. Dans un parchemin muni du sceau aux armes de la Savoie et conservé aux archives de l’abbaye de Saint-Maurice, on lit : « Ulrich Borcard, de Saint-Triphon, et Jean de Villars, d’Ollon, procureur de François de Bex, prétendaient détenir un dixième des redevances en fromage et un septième des redevances en sérac dans la montagne de Salanfe et d’Evionnaz ». Dès cette période déjà, l’alpe de Salanfe fut le théâtre de nombreux différends et procès entre Salvan et les seigneurs savoyards des vallées voisines. Puis plus tard entre la population de la même commune, l’abbaye de Saint-Maurice et les autres communes détachées du domaine de ce monastère. Les désaccords se poursuivirent durant toute la période de l’occupation bernoise. Le territoire de Salanfe est sous la juridiction de la Commune d’Evionnaz depuis 1919 et l’alpage est la propriété des quatre bourgeoisies d’Evionnaz, Vérossaz, Saint-Maurice et Massongex.

La vie à Salanfe

On trouvait autrefois à Salanfe trois groupes de maisons rassemblées et alignées sur un même plan : la Barmaz, Sottion et la Confrérie. Composées de vingt-cinq chalets et d’une trentaine d’écuries, toutes ces constructions étaient des bâtisses classiques édifiées dans les Alpes aux XVIIe et XVIIIe siècles. À un ou deux étages, les murs étaient érigés en pierre, l’intérieur en bois, la couche en foin et les larges toits à double pente et à faible inclinaison recouverts de pierres de schiste. Construites à peine visibles sur le versant sud des Dents-du-Midi, les chalets, les granges et les écuries étaient de dimensions diverses. Les vachers qui y montaient depuis les villages voisins y estivaient à peine deux mois, du milieu du mois de juillet à la mi-septembre. On comptait dès lors jusqu’à 900 têtes de bétail qui pâturaient jusque dans le vallon voisin de Susanfe. Le travail des pâtres consistait à traire leurs bêtes deux fois par jour et à fabriquer le fromage.

Mais l’histoire du plateau sera bouleversée dès 1947 par la construction du barrage de Salanfe. Progressivement, les chalets furent immergés entiers et disparurent peu à peu sous la montée des eaux. D’autres bâtiments connaîtront une destinée différente puisqu’ils seront abandonnés et laissés progressivement à l’état de ruines.

Aujourd’hui on peut encore apercevoir, à gauche du lac, les restes des fondations d’une grange, d’une écurie et de quatre petits chalets. Ces vestiges font partie des chalets du groupe de la Confrérie. Sur le mur d’un de ceux-ci, on peut remarquer l’emplacement de perforations qui devaient permettre, grâce à un escalier probablement en bois, l’accès à l’étage supérieur.

En 1889, un alpiniste décrit la veillée du 12 septembre (« L’Écho des Alpes », 1899, numéro 7, page 250-251), le dernier soir avant le départ pour la plaine, l’ambiance dans les chalets de Salanfe :

« Vers un détour, un autre village de chalets est là, se groupant au pied des pentes de la Dent du Midi. La lune le frappe en plein, sa lumière court sur les toits inclinés ; il fait jour, ici, au milieu de la nuit. Un ruisseau sépare ces chalets de la grande plaine, au bord de laquelle pointent çà et là sur le gazon sombre, des rocs blancs, gris, noirs, roux. Ce sont ces rocs qui sonnent, clochant la tête, bonnes grosses vaches, gentilles génisses accroupies. Au beau milieu du troupeau dormant, quelques lutins s’agitent, courent et reviennent. Ce sont de jeunes bergers qui, comme des Parisiens, ma foi ! font de la nuit, le jour. Ils jouent aux quilles, au clair de la lune. Notre arrivée ne les émeut pas ; et pourtant il est 10 heures du soir et la plaine de Salanfe n’est pas un boulevard cosmopolite. Sans surnaturel, nous sommes enchantés.

— Ohé ! Les garçons ! Où sont les gens ?
— Là, Monsu.

Ils montrent un chalet que nous allons ouvrir : Tableau. Le pauvre intérieur est devant nous avec ses parois de bois, vieux mélèze ou sapin brun, rouge, noir ; des poutres enchevêtrées encadrent les petites portes du cellier, du fromager, de l’écurie et vont tout droit soutenir la poutraison du toit sous laquelle s’ouvrent des profondeurs noires et mystérieuses, les fenils vides. Le bas du chalet est illuminé, comme par un incendie, par un grand feu flambant. Plus de chaudière sur le brasier, plus de fromage à faire ; c’est la dernière flambée, c’est la dernière veillée, c’est la dernière nuit. Demain, à 4 heures, avant le jour, tout partira et pour longtemps. Mais que de monde dans cette solitude ! Plus de trente montagnards sont là, hommes et femmes, pauvrement vêtus, qui sur les trépieds, qui sur les tapeculs, qui sur les bancs, sur les tables, sur les échelles, plus haut sur le bord des fenils, les jambes pendantes, tous assis, tous immobiles, tous silencieux en nous voyant.

— Bonsoir, la compagnie.

Un écho frémit autour du chalet ; Bonsoir… Bonsoir… Bonsoir. Puis le silence reprend tout. Pas une de ces statues n’a bougé ».

Un plateau bénit

Jusqu’au milieu du XXe siècle, à 150 mètres du groupe de chalets de Barmaz, se trouvait une petite chapelle très sommaire en pierre avec un toit à deux pans et une petite croix de bois placée au-dessus de l’entrée. Tout comme les chalets de Salanfe, on mentionne une première fois ce lieu de culte sur un plan des montagnes de Finhaut et Salvan datant de 1732. La chapelle de Barmaz fut édifiée au centre du pâturage sur une sorte d’îlot entouré de marais et de torrents constitués par les nombreuses rivières qui y convergent depuis les sommets. Chaque année, une très pieuse coutume en honneur des alpages de Salanfe y était organisée. Le 15 août, jour de l’Assomption, un prêtre de l’abbaye de Saint-Maurice s’y rendait pour célébrer la messe, bénir l’alpage et le troupeau ; la journée se terminait par une procession autour de l’alpe, des danses et des distributions de crème et de vin. Le chanoine donnait ensuite à chaque chalet une bougie bénie, en échange de laquelle il recevait une livre de beurre. Le 14 août 1942, une nouvelle croix de mélèze fut plantée face à la chapelle, proche du lieu-dit « Creux Château ». Bénie par le chanoine Louis Poncet, elle se trouve aujourd’hui encore plantée sur un petit monticule bordant le chemin de la rive nord du lac. Elle est l’unique témoignage encore visible de cette cérémonie. À noter que c’est le lendemain de la bénédiction de l’alpage du 15 août 1842 que François-Marie Bruchon, Nicolas Délez, Éléonore Mottier et trois autres personnes réalisèrent la première ascension de la Cime-de-l’Est.

Au début de juillet 1953, alors quel le lac artificiel inonda l’ancien lieu de culte, les travaux d’une nouvelle chapelle débutèrent. C’est Monseigneur Son Excellence Louis Haller, Abbé de Saint-Maurice, qui baptisera la cloche et l’édifice lors de la bénédiction de la chapelle le dimanche 15 août 1954. D’une convention passée entre les bourgeoisies propriétaires et la société Énergie Ouest suisse (EOS), elle fut construite face au lac sur un promontoire proche de l’actuelle auberge de Salanfe. Entièrement blanche, elle est aujourd’hui composée d’un autel, d’une sacristie et d’un chœur de trente-deux places. Elle mesure 5,60 mètres de largeur, 8,30 mètres de longueur et 4,80 mètres jusqu’au clocheton. Elle sert toujours de lieu de culte le jour de l’Assomption.

Un témoignage raconte le déroulement de la bénédiction des alpages du 15 août 1894. Dans « La Patrie Suisse » du 7 février 1894 l’auteur écrit :

« Au milieu de ce gigantesque plateau, que peuplent trois groupes de petits chalets bruns : la Confrérie, Sottion et la Barmaz, s’élève une minuscule chapelle qui ne s’ouvre qu’à la mi-été, le jour de la bénédiction des troupeaux, car on alpe à Salanfe pendant six semaines. Ce jour-là il y a fête. Des « montagnes » voisines — c’est ainsi qu’on appelle les alpages — sont accourus vachers et vachères, les uns en blouse bleue, bien neuve ; les autres le traditionnel foulard valaisan, écarlate, autour de la tête.

Avant la fête proprement dite, c’est la bénédiction. Un des vachers porte dans un seillon le lait que le curé, en surplis, bénit depuis le tout petit autel de la chapelle, tandis que l’assemblée s’agenouille au dehors de l’édicule primitif. Foulards rouges et blouses bleues se confondent, offrant dans ce lieu sévère, au milieu de cette verdure reposante, un coup d’œil inoubliable…

Deux par deux on forme ensuite la procession qui semble imperceptible dans ce gigantesque cadre ; elle se rend alors vers une croix de bois, plantée au fond du pâturage, et s’en revient en réglant son pas sur celui du prêtre qui lit, à mi-voix, dans le rituel, les textes sacrés.

Après, c’est la fête. Déjà les violoneux râclent leurs crincrins ; les accordéonistes préludent par quelques notes, et la danse joyeuse et violente se déchaîne bientôt. Jusque tard dans la nuit ce seront des youtzées, des embrassades, des rires à n’en plus finir… au grand ébahissement des vaches, couchées de-ci, de-là, sur l’herbe molle, et des taureaux, qui sont allés se camper dédaigneusement sur quelque monticule éloigné, pour laisser errer en des pâturages où ils seraient sans rivaux, leurs étroites et brutales pensées… ».

Le début de l’ère touristique

À la fin du XIXe siècle, Salanfe devint un but d’excursion très fréquenté pour les hôtes de Salvan et Finhaut. Point de départ pour toutes les cimes des Dents-du-Midi, Luisin et Tour-Sallière, les nombreux alpinistes couchaient dans les modestes chalets de Salanfe. Dans la Gazette du Valais du 5 septembre 1894, on écrit :

[…] « Il y a pourtant encore des pâtres qui ne se dérangent pas pour ces visiteurs ; ils le laissent s’asseoir au coin de leur feu, lui montrent la soupente où il peut s’étendre, lui servent du lait s’il en veut, empochent la pièce d’argent qu’il leur laisse et le regardent partir sans un mot ». […]

La même année cependant, un chalet du groupe de Sottion se prépare à une reconversion en proposant tout d’abord un accueil et un confort sommaire. Devant l’afflux du nombre croissant de visiteurs à Salanfe, les vachers taciturnes deviennent de plus en plus familiers et, d’un rustique chalet-auberge, il se transforme en 1897 en un « hôtel ». Il prend alors le nom de l’« Hôtel de la Cime-de-l’Est ». Situé tout proche du groupe des chalets de la Confrérie, il prendra également le nom de l’« Hôtel de la Confrérie ». Face à cet édifice et aux groupes de chalets de Salanfe, un second bâtiment sera construit. Bâti par Jules Mottet et Jean-François Rappaz, il fut inauguré le dimanche 17 juillet 1898. Comportant entre vingt-cinq et trente lits, il prit le nom « Hôtel-pension de la Dent-du-Midi à Salanfe ». Ouvert de juin à octobre, il propose une restauration à toute heure, des chambres et salles chauffées, une cave, une cuisine soignée et fournit des provisions pour les touristes.

Les deux hôtels fermeront au moment de la construction du barrage en 1947 et seront eux aussi entièrement immergés dans la retenue d’eau.

Pendant les travaux du barrage, une cabane-hôtel de l’entreprise minière montheysanne Joseph Dionisotti fut construite en direction de la Tour Sallière, au bout de la rive nord du lac. Édifiée durant l’été 1951, elle portera le nom de « l’Auberge de la Tour Sallière », puis sera entièrement détruite en 1970.

En janvier 1952, la commune d’Evionnaz mit en soumission les anciens baraquements utilisés lors de la construction du barrage pour l’exploitation d’une auberge/restaurant. Ouverte au public le 25 mai 1952, elle proposait des lits de camp et des chambres, la tenancière s’appelait Marguerite Rappaz. Cette situation dure jusqu’en 1960, date à laquelle la Commune d’Evionnaz signe un contrat de bail avec la société Hispano Suiza SA pour la partie de son immeuble aménagée en auberge, l’autre partie du bâtiment servant à des installations pour les tirs et les essais de munitions à Salanfe et sur le massif de la Tour Sallière. Après l’abandon de la place de tir à la fin des années 80, la Commune d’Evionnaz devient définitivement propriétaire du bâtiment dans lequel est toujours exploitée l’actuelle auberge de Salanfe. Aujourd’hui, celle-ci propose cent places en dortoirs et vingt places en chambres simples. Elle offre également un confort maximal avec un restaurant, une demi-pension, des douches, des toilettes et des lavabos. Exploitée par Fabienne et Nicolas Marclay depuis 1996, elle est l’une des cabanes situées sur le tour des Dents-du-Midi et le tour du Ruan. Pour toutes questions ou réservations, veuillez consulter l’excellent site de l’auberge de Salanfe.

Une “mystérieuse” croix

Aujourd’hui, sur le plateau de Salanfe, se trouve une croix en pierre flanquée à sa base d’une roche polie et gravée d’un texte à peine lisible. Dressée à l’origine sur un petit promontoire à proximité de l’ancien hôtel de la Dent-du-Midi, elle se trouve aujourd’hui proche de l’actuelle auberge. Elle fait face à la montagne qui fut la raison à son édification, la Tour-Sallière.

Le 26 juillet 1913 en effet se produisit un drame qui provoqua un émoi considérable dans toute la région. Un accident tragique qui sonna jusque dans la presse internationale. Trois jeunes étudiants parisiens, Paul Boudin, Marcel Gélinier et Jean Barthélemy, périrent après une chute de près de 600 mètres sur la paroi presque verticale du « Grand Revers ». C’est en mémoire de ce tragique événement que la famille de Jean  fit ériger une croix élevée sur la rive droite de la plaine. Jusque dans les années quarante, elle viendra en pèlerinage de Paris à Salanfe déposer des fleurs et faire célébrer un culte. Afin de maintenir le souvenir, le monument fut déplacé lors de l’inondation du plateau au moment de la construction du barrage. Les corps de Paul et de Jean seront inhumés au cimetière du Père-Lachaise, le plus grand cimetière parisien, le 2 août 1913. Il n’a pas été possible de trouver le lieu de sépulture de Marcel.

Sur la pierre en marbre calcaire sombre de la colline de Saint-Triphon se trouve une inscription en partie effacée :

A LA MÉMOIRE
DE JEAN BARTHÉLEMY
QUI PÉRIT LE 26 JUILLET 1913
AVEC DEUX CAMARADES
A LA TOUR-SALLIÈRE
(ASCENSION DU GRAND-REVERS)
————
SA FAMILLE­] DÉSOLÉE !

Voir le récit complet donné dans « L’Écho des Alpes » du 27 juillet 1913 par Pierre-Louis Délez, guide et tenancier de l’hôtel de la Dent-du-Midi.

Une tranquillité bouleversée

Afin de répondre à la demande croissante d’énergie électrique en Suisse, on construit à l’aube du XXe siècle de nombreux barrages dans les Alpes. À Salanfe, l’histoire de son édification commence le 14 décembre 1917 lorsque la commune de Salvan accorde à Grégoire Stächelin la concession des eaux du torrent de la Salanfe. L’industriel bâlois souhaite alors récupérer l’eau du bassin versant afin de la stocker grâce à un barrage de retenue.

Le projet soulèvera de vives discussions et d’impressionnants mouvements de contestation afflueront de toute la Suisse romande. Le lac artificiel fera disparaître l’un des plus beaux pâturages du Valais, noiera une terre fertile et chassera les paysans établis ici depuis plusieurs générations. Mais le point qui inquiète en priorité est la menace qui pèse alors sur la cascade de la Pissevache. L’affaire est portée jusqu’au Conseil d’État. La concession pour l’exploitation de l’ensemble des bassins de Salanfe et de Susanfe est néanmoins accordée en 1942. Le 6 octobre 1947, la Salanfe SA est fondée par Énergie Ouest Suisse (EOS) et la Lonza. Elle acquiert les concessions des eaux de la Salanfe des communes d’Evionnaz, Salvan et Vernayaz et de la Saufla, dans le vallon de Susanfe, des communes de Champéry, Val d’Illiez, Troistorrents et Monthey. Les travaux débutent en 1949.

À partir de 1950, un petit barrage provisoire permet une première exploitation. Dès 1951, la production de béton se fait sur place dans un bâtiment composé d’une station de triage et de lavage, de silos à gravier et de bétonneuses. Le gravier et le sable sont amenés depuis la gravière « Les Vérets », proche de Van-d’en-Haut, à Salanfe à l’aide d’un téléphérage muni de bennes de 0,7 m³. Le ciment est quant à lui transporté par train à partir des carrières de Roche puis amené à Salanfe à travers le tunnel au départ de Miéville dans la Plaine du Rhône. Peu à peu, le premier barrage est englobé dans le volume de l’édifice définitif et le bassin, tout comme les chalets, granges et écuries, est progressivement inondé.

À Salanfe, le béton fabriqué dans le bâtiment de production est amené sur le lieu de construction à l’aide de petits wagonnets se déplaçant sur une estacade. Il est ensuite chargé dans des bennes d’une capacité d’environ 11 tonnes fixées à de longs câbles suspendus de 610 mètres de portée puis déversé en couches successives au-dessus du barrage. Jour et nuit, ce sont quatre cents ouvriers pour la plupart paysans nord-italiens et Valaisans qui se relayent à Salanfe. Travaillant parfois dans des conditions très difficiles, été comme hiver, leur salaire moyen est de 2,80 frs de l’heure. La construction est terminée en octobre 1952 et la première turbine est mise en service le 1er janvier 1953.

Les eaux amenées dans le lac de Salanfe proviennent des bassins versants de la Salanfe (18,4 km²) et de la Saufla (12,8 km²), un affluent de la Vièze dans le val d’Illiez. Depuis le vallon de Susanfe, la Saufla traverse une galerie percée dans la roche longue de 4140 mètres pour une pente de 0,15 %. L’eau parvenant jusqu’au barrage traverse ensuite une conduite forcée, puis menée à la centrale de Miéville 1473,6 mètres plus bas. La conduite mesure quatre kilomètres de longueur avec une déclivité impressionnante de 43,41°.

Situé à 1925 mètres d’altitude, le barrage hydroélectrique de Salanfe est de type « poids ». Il est composé de quarante-deux blocs de béton de quatorze mètres de large pour un total de 230 000 m³ de matériau. D’une longueur totale de 616,65 mètres, il est composé de la rive droite à la rive gauche de quatre parties rectilignes respectivement de 74, 76, 260,65 et 206 mètres. La largeur au sommet de l’édifice est de cinq mètres alors qu’il est de quarante mètres à la base, la hauteur maximum est de cinquante-deux mètres.

La mine d’or et d’arsenic

Cette mine dite mine des Ottans est située à environ 300 mètres au-dessus du lac de Salanfe, sur le flanc septentrional du Luisin, à 2200 mètres d’altitude. Elle domine le petit lac des Ottans.

Le lac des Ottans se situe dans le Trias. Sous le Trias se trouve le socle cristallin du Luisin. Il s’agit essentiellement d’orthogneiss traversés par deux longues bandes étroites de microgranite. Des calcaires, plus ou moins recristallisés, constituent des filons dans les orthogneiss. C’est dans ces calcaires que se trouve le minerai d’or et d’arsenic.

Le minerai est composé de mispickel et de nombreux autres minéraux. Le mispickel se présente en cristaux prismatiques orthorhombiques ou en masses cristallines compactes parfois fibreuses. Sa couleur est d’un beau blanc argent et d’un éclat métallique vif. Les cristaux sont parfois jaunâtres à la surface. L’or accompagne le mispickel avec une teneur de 40 grammes par tonne de minerai pur.

La mine comprend plusieurs chantiers : Combarosa, Marguerite, Henry, Robert et Confrérie. L’ouvrage principal est le chantier Robert avec un ouvrage souterrain de 520 mètres de longueur, réparti en plusieurs galeries.

Les installations de la mine comprenaient un bâtiment servant de logement et de réfectoire pour une quarantaine d’ouvriers et une petite usine pour le broyage et le traitement du minerai. Une construction abritait un atelier de réparation et un compresseur. Le minerai était sorti de ces galeries à l’aide de wagonnets qui étaient poussés sur des rails. Ensuite, le minerai pur était descendu dans la vallée à dos de mulets.

De 1904 à 1907, cette mine a livré 720 tonnes de minerai dont 331,8 tonnes d’arsenic et 23,8 kg d’or.

L’exploitation fut reprise de 1920 à 1928, une trentaine de kilogrammes d’or et 378 tonnes d’arsenic furent produits.

Dans les années 1980-1990, des forages et diverses analyses laissèrent envisager une reprise de l’exploitation. Mais l’exploitation était devenue trop onéreuse et elle ne fut pas reprise. Mais si l’on extrayait à nouveau de l’or en Suisse, c’est cette mine qui aurait les meilleures chances d’être rouverte.

Aujourd’hui, on observe les ruines du bâtiment et l’accès aux galeries d’une mine qui fut l’une des plus importantes de Suisse pour l’extraction de l’or. En 2001, le Groupe de spéléologie rhodanien (GSR) entreprend la restauration de la Cabane des Mines d’or et d’arsenic et réalise en 2004 un sentier didactique sur le site minier historique.

À l’ouest du sentier, au-dessus de la mine, il y a un ensemble très complexe avec des roches triasiques et du cristallin emballés dans des calcaires et des schistes nummulitiques (source : www.tourduruan.com).

L’accès à l’intérieur des mines est strictement interdit !

l'origine des noms

Des prémices à la fin du 20ème siècle

La cascade de la pissevache

De la montagne de Salanfe à la plaine du Rhône

La "faucille" de la pointe-de-Valerette

Quand la nature donne le signal

Un arpenteur du Valais et des Dents-du-Midi

Une invention née dans le Chablais valaisan